Voici un hommage à ce grand homme, co-fondateur de Concerts Lachine, qui vient de nous quitter le 16 octobre, entouré de ses proches.
Le texte est de Richard Turp, directeur artistique.
NOËL SPINELLI
Pour moi, la vie de Noël Spinelli en est une leçon d’espoir. Comme l’a écrit Albert Camus, « Là où il n’y a pas d’espoir, nous devons l’inventer ». Eh bien, Noël Spinelli a fait précisément cela. Il a constamment inventé l’espoir – pas nécessairement pour lui-même mais surtout pour les autres.
« Là où il n’y a pas d’espoir, nous devons l’inventer »
Évidemment, il faut évoquer le parcours professionnel vraiment remarquable de Noël. Il a transformé le garage familial de son père en une série de concessions prestigieuses et très respectées d’automobiles. Il l’a fait en se forgeant une réputation de professionnalisme, d’honnêteté et de service qui étaient une réflexion de l’homme. Aujourd’hui, les qualités et les valeurs de Noël ont été transmises et conservées par son fils, Pierre et le nom, Spinelli est synonyme de qualité et d’intégrité. Les multiples récompenses reçues et les démonstrations de confiance du public sont de fiers témoignages à Noël et à sa famille.
La valeur de l’exemple de Noël dépasse de loin le domaine purement professionnel. Comme tant d’autres dans le secteur culturel et artistique, j’ai toujours considéré Noël comme un mentor. Que l’on parle de son soutien à des organisations telles que l’Opéra de Montréal, l’Orchestre symphonique de Montréal, I Musici de Montréal, l’Ensemble Arion, Romulo Larrea et tant d’autres, Noël nous a inspiré à être meilleurs dans tout ce que nous faisions. Il était un partenaire privilégié (et presque silencieux) pour beaucoup d’entre nous. Presque silencieux parce que lorsqu’on lui demandait conseil, il était toujours disposé à partager son point de vue, offrir des conseils et évoquer ses expériences – et raconter d’innombrables blagues – avec nous. S’il vous plaît, croyez-moi quand je dis que nous pourrions remplir une cathédrale de personnes et d’organisations qui lui doivent une profonde dette de gratitude.
Avec Guy Descary et Robert Savoie (mon prédécesseur à la direction artistique des Concerts Lachine), il a fondé Concerts Lachine il y a 44 ans. Puis, après 500 concerts, plus de 5000 artistes engagés par le Festival de musique de Lachine, après plus de quinze ans de concerts St-Anges en musique, mettant en vedette le superbe orgue Casavant (qu’il a réussi à restaurer), une Académie internationale vocale et une série de projets pédagogiques, après toutes ces années, il est resté présent et actif jusqu’au bout. Il n’y a pas si longtemps, il a co-fondé le célèbre Concours international d’orgue du Canada. Même cet été, après notre festival de musique virtuelle, il m’a envoyé un courriel de félicitations en majuscules pour me dire qu’il avait apprécié tous les concerts.
Son implication dans les arts est sans égal. Les nombreux prix officiels qu’il a reçus aux niveaux municipal, provincial et national témoignent du rôle exceptionnel qu’il a joué dans le monde culturel. Noël fut un grand ami de mon père et d’ailleurs j’ai toujours considéré Noël comme un deuxième père. Noël guidait sans dicter ; il nous permettait de faire des erreurs, mais surtout il nous permettait d’en tirer des leçons ; il débattait et discutait avec un enthousiasme incomparable tout en révélant de nouveaux horizons et défis qu’on souhaiterait peut-être poursuivre. Il était autant un visionnaire dans les arts que dans les affaires. Ses associations avec le Conseil des Arts de Montréal et en tant que membre du conseil d’administration du Centre national des Arts à Ottawa en font preuves. Si et quand vous aviez besoin de conseils ou d’aide, il était là. Il reflétait parfaitement la merveilleuse phrase du Mahatma Gandhi : « La meilleure façon de se trouver est de se perdre au service des autres. »
Noël était un leader qui prêchait par l’exemple dans tous les sens du terme. À une époque où tant de personnes semblent avoir besoin de conseils ou cherchent des modèles, Noël Spinelli représente un modèle de choix. J’aurais souhaité que tous aient pu avoir son mélange de générosité et d’humanité, son intégrité et son authenticité, sa capacité à inspirer et surtout sa passion pour la vie. J’ai rarement rencontré quelqu’un avec autant de passion pour la vie. Ça se sentait, ça se voyait dans son sourire et ça s’entendait dans son inimitable rire. Cette passion de vivre était dévorante ; c’était communicatif et instrumental dans ma vie. Quand je pense à Noël, je me souviens d’une phrase de Ralph Waldo Emerson : « Le but de la vie n’est pas d’être heureux. C’est d’être utile, d’être honorable, d’être empathique, faire en sorte que vous ayez vécu et bien vécu. » Sa vie est avant tout une leçon de tout ce qui est bon et noble chez l’homme. Pour ceux qui se souviennent de lui depuis sa jeunesse, vous savez qu’il était un musicien enthousiaste – un contrebassiste de talent et un crooner de grande distinction (j’ai entendu les bandes et je n’exagère pas). Pour moi, son amour démesuré de la musique et de l’opéra est un souvenir impérissable. Il avait la plus grande collection d’enregistrements de l’opéra de Puccini, Tosca, que j’ai jamais vu. Et il connaissait l’opéra par cœur.
Peu importe son succès en tant qu’entrepreneur, peu importe sa valeur en tant que mécène des arts et des projets sociaux et éducatifs, il n’y avait rien qui lui faisait vibrer comme son amour pour sa famille. Tout ce que vous aviez à faire était de lui rendre visite chez lui pour voir toutes les photos et souvenirs d’enfants, petits-enfants et membres de la famille. Et sur toutes les photos, tout le monde souriait. En effet, homme était aussi ce sourire.
Je quitte avec les mots d’Erwin McManus qui a écrit :
« Une vie bien vécue est l’œuvre d’art la plus exquise »
Si c’est le cas, la vie de Noël Spinelli fut un véritable chef d’œuvre.
Richard Turp
Lachine
17 octobre 2020